Les croix boulées

Les églises de Justine et d'Herbigny présentent des pans de mur recouverts d'inscriptions et de croix boulées.

La plus forte concentration est relevée à Herbigny, sur le mur de la chapelle.

Beaucoup de ces inscriptions n'ont pas survécu aux intempéries, la pierre calcaire trop tendre s'écaille et efface les gravures. Mais sur les murs plus abrités, il en subsiste de beaux spécimens.

 

Ci-dessous, à Justine

Signification de ces croix

Signification de ces croix, d'après Henri MANCEAUX  (dans "L'Automobilisme Ardennais" nov-déc. 1958) :

 

« Dans les églises, la trace de ces gens du peuple ne serait plus tangible, s'il n'y avait, gravés par certains sur les murs extérieurs du monument, les croix votives et quelques autres symboles, parmi des noms et des dates, susceptibles de rappeler leurs tourments et leurs espérances. (...) Les marques de la pierre ce sont de modestes ex-voto de paysan. Une personne a échappé à la foudre, à l'incendie, à l'inondation, à une agression ; quelqu'un, dans sa famille, a surmonté une grosse maladie, quelqu'un s'est guéri vite d'accidents de métier tels que chute lors de la cueillette d'un arbre ou versement d'un attelage, on remercie le saint local ou Notre-Dame -ces intercesseurs- d'avoir accordé et accompli, sinon un miracle, du moins une grâce individuelle. »

 

Plus la pierre est tendre, plus la gravure, faite à l'aide d'un clou ou d'un poinçon, est profonde. Les boules d'une croix, creusées en premier, servaient de butoir pour en tracer les branches.
Quelquefois les ponctuations n'ont pas été jointes par des droites (fréquent à Herbigny).La croix latine est la forme dominante reposant parfois sur un socle triangulaire.
« Le signe de la Croix, au moment du danger, n'était-il pas le geste d'appel à la protection, le plus spontanément accompli. »

Herbigny :

on voit sur la droite de la photo un « boulier de la mort » (alignement de points formant un rectangle). Il s'agit peut-être de l'œuvre d'un fossoyeur entrant dans la carrière, « ce boulier serait son tableau de bord pour l'ensemble des tombes »

D'après « Le Patois des Croix : Signes lapidaires et religion populaire en Argonne et dans la France Septentrionale ». Serge BONNET

A Herbigny, sur le mur de la chapelle :

A gauche, une croix boulée aux traits assez appuyés avec de chaque côté une croix plus petite et aux traits plus fins On peut penser à un lien de filiation.

La photo de droite laisse supposer la même signification avec ses deux croix « enlacées ».

A Justine :

 

Deux échelles : « un deuxième procédé de calcul était peut-être utilisé par le fossoyeur : l'échelle. (...) Comme les bouliers, l'échelle semble rarement proche d'une croix. » (D'après Serge BONNET)

 


Il est intéressant de relever les dates gravées à proximité de toutes ces croix et autres signes, elles peuvent donner une idée de l'âge de ces inscriptions, car l'érosion semble les avoir usées de la même façon. Ainsi, en faisant le tour de l'église de Justine, les dates s'échelonnent de 1687 à 1761 et de 1807 à 1878, celles de l'église d'Herbigny de 1637 à 1710. Ces gravures dateraient donc essentiellement des 17ème et 18ème siècles.