La grange se raconte...

Quelle aventure !

Destinée à disparaître après tant d’années d’existence pour faire place aux containers de tri sélectif, autant dire à des poubelles !

 

C’est vrai que je faisais pâle figure sur la place du village, heureusement que quelques épicéas me dérobaient à la vue du public, sinon je n’aurais pas été à la fête lors des bals populaires qui se passaient sous mes fenêtres. Fenêtres, un bien grand mot ! Disons mes ouvertures ! Et elles ne manquaient pas : trous dans la toiture, dans le torchis de tous les côtés. Mes murs, mon toit, tout était de guingois, mais ce n’était pas de rire, je peux vous l’assurer.

Mais voilà qu’en 1999*, on vient m’examiner sous toutes les coutures, on me jauge, on me tâte, on me chatouille. Des engins hurlants viennent couper mes protecteurs. Du monde s’agite : on me gratte les soubassements, on me redresse la façade. C’est pour me refaire une beauté qu’on m’enfonce des clous dans les os ! Pour être belle, il faut savoir souffrir, mais quelle brutalité… Pourtant certains y vont tout en douceur pour remettre d’aplomb mes colonnes vertébrales : ils savent qu’avec mes vieux os, tout risque de casser. Après le devant, le derrière ! Les dégâts du temps vont être à l’origine d’une amputation, mais le résultat est joli tout de même.

On supprime mes puits de lumière que les intempéries avaient créés, et je me retrouve coiffée de neuf de belles ardoises et d’une crête de tuiles faitières.

Que pensez-vous du résultat ? Pas mal, hein !

 

J’ai de plus en plus d’admirateurs, dont certains parlent une langue qui ne m’est pas familière, le néerlandais à ce qu’il paraît.

 

On soigne mon intérieur à coups de torchis, d’enduits et j’ai même droit à des touches de couleurs. Par contre, est-ce une conséquence de la loi anti-tabac, je n’ai plus le droit de fumer, par souci d’économies peut-être.

 

Ce que j’aime : recevoir des visiteurs, voir s’agiter des stagiaires, les sentir toucher mes os, ma peau, les entendre dire que je suis encore bien pour mon âge. C’est que je n’ai pas encore l’âge d’aller en maison de retraite malgré mes deux siècles d’existence, j’ai besoin que le monde s’intéresse à moi.

 

Avouez que je ne manque pas d’intérêt, je soigne mes abords. Une porte de grange et des volets avec cœurs, une rivière, un jardin, une haie fleurie, une cabane de jardin, et même un four à pain pour votre plaisir ! Ne suis-je pas accueillante ?

 

*qui sont-ils mes sauveurs ? Une petite, Audrey Raulin du Centre d’Eveil au Patrimoine, un grand fumeur mais quelle compétence, Michel André de la Capeb, et puis une dame avec ses petites nattes, Francine Chamagne. Elle, je l’ai souvent vue. Qu’est-ce qu’elle a pris soin de moi ! Il y en eut plein d’autres, artisans, stagiaires, je ne peux les citer tous, mais je les remercie de m’avoir « ravalé » la façade, c’était plus qu’un lifting ! Il ne faut pas que j’oublie deux fidèles dont je ne comprends pas la langue, Arjon et Bauke, présents à tous les stages.